Nouvel article … dans le journal CQFD de juin!

Pour clore notre voyage, et pour un temps au moins les publications du blog, nous vous proposons un dernier article. Mais pour le lire, il faudra vous procurer le dernier CQFD, du mois de juin, disponible dans tous les bons kiosques et librairies.

L’article se veut un mini reportage sur la FOB (Fédération des organisations de Base) à Rosario,une organisation héritière du mouvement piquetero argentin. Tout en parlant des luttes menées par cette organisation – les blocages de routes, de supermarchés, etc -, des alternatives qu’elle mets en place – des coopératives, des jardins, des ateliers de travail manuel ou de formation politique, une escuelita libertaire -, nous affinons notre regard sur la participation des femmes, bien majoritaires dans cette organisation populaire. Travail de quartier, féminisme, transformation des relations sociales, on en a pris plein les yeux et on essaie de de vous le faire partager, même s’il y aurait beaucoup plus à dire qu’un simple article de journal !

Vous trouverez le sommaire du journal ici :
http://cqfd-journal.org/Au-sommaire-du-no144-special

Une occasion de découvrir, de-découvrir ou continuer à soutenir un des derniers médias libres et indépendants de l’hexagone…

A bientôt dans les luttes, ici ou là-bas!

Entretiens avec la Federação Anarquista Gaucha : histoire et stratégies de l' »especefismo »

Lors de notre passage au Brésil, nous avons eu l’occasion d’interviewer des membres de la Federação Anarquista Gaucha (FAG), afin de donner un petit aperçu de ce qu’est l’histoire de cette organisation et les stratégies qu’elle déploie. Nous vous laissons ici quelques interview-vidéos (amateurs hein!) pour s’inspirer ou regarder à ses heures perdues… Bien sûr pour aller plus loin sur la question de l’especefismo, nous vous recommandons le livre Anarchiste Social et Organisation de la FARJ, édité par le Brasero Social et l’interview « la estrategia del especifismo » faite à un membre de la FAU.

Entretien avec la FAG – Première Partie : Anarchisme au Brésil et Naissance de la FAG (ES-VOSTFR)

Entretien avec la FAG – Seconde Partie : Stratégies d’insertion sociale (ES-VOSTFR)

Le territoire comme espace de luttes des classes

Nous reproduisons ici un article traduit du journal « Voluntad », publié par la Fédération Anarchiste de Rosario au mois de décembre 2015.
L’article explique en quoi la lutte territoriale est un élément essentiel de la lutte des classe ainsi qu’un lieu de résistances et d’expérimentations autogestionnaires pour les classes populaires en lutte.
Vous trouverez la version espagnole en dessous.
Arriba lxs que luchan!! (en los barrios)

Le territoire comme espace de lutte des classes

Nous, Fédération Anarchiste de Rosario, croyons en l’importance d’impulser le développement de luttes territoriales. Partant du principe que le territoire est un espace où se consolident les relations sociales, et où pour autant, émerge la lutte des classes.
Ainsi, nous voyons que les relations qui y prédominent sont des relations de domination mais génèrent aussi des processus de résistance qui s’articulent sur le territoire, avec donc une volonté de lutter contre la domination.

Nous croyons, en tant qu’anarchistes, que nous devons impulser et renforcer les résistances qui se soulèvent depuis les quartiers.
A l’intérieur de ces luttes existe un ample éventail de pratiques qui peuvent être par exemple :
Les (re)prises de terres, la création de coopératives de travail, les associations de quartier, les mouvements d’urbanisation et de rénovation des quartiers pauvres, les mouvements qui luttent pour le logement, les activités communautaires diverses, les jardins, etc.

Une des formes de résistance qui a généré en partie la lutte des opprimé-e-s dans les territoires est principalement la lutte piquetera. Cette modalité de lutte présente un répertoire de pratiques qui ont beaucoup de proximité avec celles des libertaires, qui s’exprime à travers la démocratie directe, comme le sont les assemblées et les différents espaces délibératifs qui se construisent de manière non-hiérarchique, l’autogestion qui se met en place dans le développement de coopératives de production et surtout les actions directes comme les blocages de rues et de routes, ces mécanismes de lutte plus habituels.

A titre d’analyse, à propos de la lutte socio-territoriale piquetera, nous pouvons dire qu’avec l’avènement du kirchnerisme est venue une politique de cooptation et de fragmentation des mouvements sociaux et en même temps, depuis les secteurs du pouvoir, s’est amorcé un discours de délégitimisation des pratiques piquetera. Ainsi se sont mis en palce des aspects qui ont affaiblit la force sociale des mouvements piqueteros qu’ils avaient pu avoir dans le moment fort des luttes sociales du pays.
Certains d’entre eux sont : le joug étatique comme forme de domination à travers les programmes sociaux, la création d’un imaginaire social où se délégitime la pratique piquetera et l’institutionnalisation croissante d’organisations abandonnant progressivement la pratique d’action directe.

Nous voulons insister sur ce dernier point, étant donné que nous assistons à un virage massif des organisations sociales vers la voie électorale. Nous pouvons dire que cela trouve son origine dans le manque de vision à moyen terme, ce qui génère une abîme entre le social et le politique, entre le micro et le macro, entre les pratiques quotidiennes de résistance et la révolution sociale. Ainsi, l’institution jadis questionnée, a fait un ravalement de façade en réapparaissant comme la forme adéquate pour pouvoir franchir le pas, en opposition aux limites que présentaient les organisations piqueteras.

Néanmoins, comme anarchistes, nous continuons à croire et à impulser ce travail ainsi que le renforcement d’organisations socio-territoriales qui pourront, moyennant l’action directe et la construction de pouvoirs populaires autogérés, donner lieu à quelques confrontations tout au long de l’année.

Ainsi, dans les environs de Rosario et du grand Rosario, cette présence a été visible dans différentes luttes :
Depuis les quartiers est apparue clairement la lutte pour le territoire, dans la récupération d’espaces publics pour en faire des jardins communautaires avec la revendication que « la terre est à celles et ceux qui la travaille » et « moins de bunkers, plus de jardins ». Ce dernier slogan fait allusion aux affrontements que mènent les organisations territoriales contre le secteur du narcotrafic. En ce sens, elles ont exprimé tout au long de l’année des messages de solidarité avec les organisations sociales qui ont souffert d’agressions de la part des narcos.
Des « bunkers » ont aussi été détruits dans les quartiers les plus pauvres de notre ville en signe de rejet des narcos et comme stratégie de résistance autogestionnaire de ces mêmes intéressé-e-s.

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[ci-contre : Mobilisation de la Fédération des Organisations de Base, organisation de chomeuses et chomeurs des quartiers populaires, devant la mairie de Rosario, décembre 2015]

De plus, il existe toute une série d’activités communautaires qui se tiennent pendant toute l’année, dans différents quartiers de la ville, comme le sont les espaces éducatifs libertaires et les distributions de verres de lait et de goûters, comme on a pu le voir dans différentes fêtes quartiers pour le jour des enfants, organisées de manière autogérée par les voisin-e-s.
Ces activités visibilisent la résistance dans les quartiers et le pouvoir des habitant-e-s de s’organiser sans avoir besoin d’avant-garde, de partis politiques, de représentants de l’état ou d’autres types d’institutions reproductrices de la domination.

D’autre part, sous l’impulsion de différentes constructions territoriales se sont consolidées des mécanismes de solidarité en cas de meurtres ou de disparations forcées de personnes par l’appareil répressif de l’état, comme ce fut le cas très connu à Rosario de Gerardo « Pichón » Escobar. Le fruit de cette mobilisation et de cette lutte a été que le jour suivant ont été interpellées cinq personnes soupçonnées d’être impliquées dans la disparition et l’assassinat de Gerardo, des personnes qui appartenaient à la police et à une entreprise de sécurité.

C’est aussi depuis les quartiers que se revendiquent de meilleures infrastructures, que ce soit contre les inondations, contre les coupures d’électricité ou de gaz. Ces revendications se manifestent alors par différentes formes d’action directe comme par exemple : les blocages de rues dans les quartiers, les mobilisations devant les entreprises de service ou devant les institutions étatiques.

De même, il y a eu une forte présence et un rôle important des organisations sociales dans la mobilisation massive réalisée le 3 juin (2015) dans tout le pays, face au nombre croissant de féminicides.

Avec des chansons et des interventions artistiques, les femmes ont imposé le slogan « Ni una menos, ni por feminidio, ni por aborto clandestino » pouvant mettre en évidence les autres formes de violence machiste qui laissent un nombre important de femmes mortes années après années. La mobilisation du 3 juin a donné de la force a beaucoup d’entre elles, en leur permettant d’identifier leurs situations particulières comme expression d’un système de domination patriarcale, ce qui se reflète concrètement par une augmentation des dénonciations pour violence, une meilleure visibilisation de la lutte contre les féminicides et une participation massive à la rencontre nationale des femmes à Mar de Plata où sont arrivées à se réunir 65000 personnes.

C’est pour cela que nous continuerons à parier sur notre stratégie de construire dans les territoires des pouvoirs populaires autogérés, construction qui seront seulement possibles à travers l’émancipation des résistances qui sont dans les quartiers.
Cela implique un travail de base constant, soutenu dans le temps, avec la volonté de générer des organisations dans lesquelles les concerné-e-s eux-mêmes consolident leur participation en se
réappropriant la capacité de décider et de faire.

Nous entendons que par là, nous pourrons donner naissance à des pratiques qui
préfigureront une autre société, une société libertaire.

La version en espagnol ici :

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Caminando los 20 años de la FAG II

Los 20, 21 y 22 de noviembre de 2015 la Federação Anarquista Gaúcha celebraba sus 20 años. Fue un evento muy enriquecedor en términos de encuentros, debates e intercambios. Decidimos difundir algunos materiales producidos en esta ocasión. Abajo reproducimos el discurso de lxs militantes de la FAG, un aporte muy valioso para nuestro análisis y nuestra práctica como anarquistas.

Les 20, 21 et 22 novembre 2015 la Federação Anarquista Gaúcha fêtait ses 20 ans. Ce fut un événement très enrichissant en termes de rencontres, débats et d’échanges. Nous avons donc décidé de diffuser certains matériels produits à cette occasion. Ci-dessous nous reproduisons le discours (sous-titré en français) des militante-s de la FAG, un apport précieux pour notre analyse et notre pratique en tant qu’anarchistes.

Durante el Acto de los 20 años de la FAG, en noviembre de 2015, varixs militantes anarquistas se expresaron para presentar un análisis de la coyuntura nacional e internacional ; también relataron experiencias populares así como aquellas desarrolladas por la corriente anarquista del especifismo. En este video, lxs militantes de la FAG intervienen para celebrar sus 20 años de existancia.

A l’occasion de la célébration des 20 ans de la FAG, en novembre 2015, de nombreux-ses militant-e-s anarchistes sont intervenu-e-s pour porter une analyse de la conjoncture nationale et internationale tout en relatant les expériences populaires ainsi que celles développées par le courant anarchiste issu de l’especifismo. Dans cette vidéo, les militant-e-s de la FAG prennent la parole pour célébrer leur 20 ans d’existence en tant qu’organisation anarchiste.

24 février : La FOB se mobilise dans toute l’argentine

En Argentine la Fédération des Organisations de Base se mobilise dans de nombreuses provinces avec d’autres organisations sociales, « contre la faim, l’austérité et la répression ».

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« Aujourd’hui, dans le cadre de la grève nationale, nous nous mobilisons, avec la CUBa, et le FOL, nous nous solidarisons avec les revendications des travailleurs et travailleuses tout en portant les revendications des quartiers. La réponse à nos demandes de fournitures scolaires et d’aliments pour les cantines a été l’intimidation de la part de la police qui a arrêté le véhicule de l’organisation pour contrôler les compagnons et compagnonnes. Au delà de ces méthodes fascistes, la grosse journée de lutte d’aujourd’hui montre le chemin pour freiner l’austérité et la répression. Avec UNITE, ACTION DIRECTE, ET ORGANISATION nous mettrons fin à ce système injuste qui nous opprime.ARRIBA LXS QUE LUCHAN!!!!!! » exprime la FOB Rosario sur sa page facebook.

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A Buenos Aires, différentes organisations proclamaient :

« Le mercredi 24/02 nous adhérons à la grève nationale appelée par l’Association des Travailleurs de l’Etat – ATE.

POUR DES PARITAIRES DE 40% ET CONTRE L’AUSTÉRITÉ FAITE AU PEUPLE TRAVAILLEUR

Depuis l’arrivée du nouveau gouvernement national, le président Mauricio Macri et ses différents fonctionnaires, ont pris des mesures qui favorisent les secteurs économiques les plus puissants de notre pays et qui nuisent au peuple travailleur, précarisé et au chômage.

La dévaluation de la monnaie durant le mois de décembre, les licenciements massifs dans la fonction publique, la baisse des subventions, les augmentations annoncées des prix de l’électricité et du gaz, et surtout l’augmentation constante du prix des denrées alimentaires (panier basique); sont des mesures qui impactent le porte-monnaie des familles les plus pauvres d’Argentine.

Depuis des semaines, nous dénonçons que le Gouvernement de la Ville a été sur le point de jeter à la rue pas loin de 600 familles qui intègrent différentes organisations sociales, du fait de ne pas renouveler les conventions de travail accordées. Grâce à la mobilisation et les revendications communes nous avons réussi à garantir la continuité de l’emploi de nos compagnons et compagnonnes.

Le gouvernement national ne publie pas de chiffres officiels de l’inflation qui jour après jour avale nos revenus et, récemment, le président a soutenu publiquement que l’inflation ne diminuera pas avant deux ou trois ans. Un problème qui affecte énormément les secteurs les plus pauvres et qui signifie l’austérité contre le peuple travailleur.

Dans le cadre de la négociation paritaire des différents secteurs des travailleurs et travailleuses, les Mouvements et Organisations Sociales signataires, nous exigeons au gouvernement de la Ville de Buenos Aires une augmentation de 40% de tous les programmes de travail et sociaux qui dépendent du Ministère du logement et du développement humain; pour que nous puissions mener une vie la plus digne possible pour nos familles.

– POUR UNE AUGMENTATION DE 40% DES PROGRAMMES DE TRAVAIL ET SOCIAUX

– STOP À L’AUSTÉRITÉ CONTRE LE PEUPLE TRAVAILLEUR.

– NON AU PROTOCOLE ANTI-PIQUETS. NON À LA CRIMINALISATION DE LA MOBILISATION.

Frente de Organizaciones en Lucha – Agrupación Clasista Lucha y Trabajo – Polo Obrero Capital – Federación de Organizaciones de Base reg. CABA – Movimiento Resistencia Popular – Frente Popular Dario Santillan – Agrupación Lxs Invisibles – Agrupación Villera Piquetera (AVP) – Tendencia Piquetera Revolucionaria (TPR). »

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Ce sont donc des milliers de personnes qui ont défilé hier, mercredi 24 février, mais la mobilisation ne s’arrête pas là, car, si le gouvernement de Macri compte bien continuer sa politique néo-libérale, le peuple en lutte est déterminé !
A voir le reportage photo, réalisé par la Cooperativa de Comunicación La Brújula. N’hésitez pas à consulter les pages de la FOB Rosario, de la FOB Buenos Aires, de la FOB Chaco, la fOB Cordoba et la FOB Corrientes pour plus d’infos.

Brésil : vingt ans à enraciner l’anarchisme

Nous reproduisons ici un article que nous avons publié dans le mensuel ALternative Libertaire du mois de janvier.

Les 21 et 22 novembre s’est tenu l’anniversaire de la Fédération anarchiste Gaucha (FAG) à Porto Alegre. Deux jours d’échanges et de discussions autour des pratiques de cette organisation et de l’anarchisme au Brésil. L’occasion de revenir sur le courant de l’« especifismo » en Amérique du Sud.

Au milieu d’un petit parc du centre de Porto Alegre se dresse une banderole rouge et noir, où est tracée en lettres blanches l’inscription « Feria Libertária, FAG-CAB 20 anos ». C’est ici que la Fédération anarchiste Gaucha a installé son salon du livre et ses ateliers auxquels participent le milieu militant de Porto Alegre et de nombreuses organisations brésiliennes et d’autres pays. Livres, brochures, affiches, T-shirts imprimés de tout le continent s’étalent sur les stands de fortune. Sous une tente, des gens s’assoient en cercle pour écouter et débattre avec les militants et militantes anarchistes venu-e-s présenter leurs réflexions, activités ou encore la situation de leurs pays respectifs.

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Ce sont deux jours d’ateliers et de réunions (plénières syndicales, de femmes et internationale) intenses qui ont culminé lors de la soirée des 20 ans où se sont succédé des orateurs et oratrices de la Fédération anarchiste uruguayenne (FAU), de la Fédération anarchiste de Rosario (FAR), de la Coordination anarchiste brésilienne (CAB) et bien sûr de la FAG. Celles et ceux-ci ont su habilement analyser la conjoncture brésilienne, latino-américaine et mondiale, donnant à voir les défis, les positionnements et stratégies du courant anarchiste issu de l’« especifismo » [1]. La force des discours, l’émotion et l’exaltation suscitée par les « arriba los que luchan » repris en chœur par l’assemblée a laissé place en fin de soirée à une joyeuse fête, des échanges cordiaux et animés entre militantes et militants, qui ne se fatiguent jamais de débattre de la société actuelle et du monde nouveau dont ils et elles rêvent.

Une insertion sociale sur différents fronts de lutte

La FAG naît en 1995 à Porto Alegre, dans l’État de Rio Grande do Sul, et est une des premières organisations spécifistes du Brésil. Elle s’inspire de sa grande sœur la FAU, organisation fondatrice du courant spécifiste. Aujourd’hui, elle est présente dans quatre régions de ­l’État et est investie sur différents fronts de lutte. Le plus important est le front de lutte communautaire ou territorial, c’est-à-dire le travail au niveau des quartiers et des populations les plus précaires. Pour cela, la FAG dispose notamment d’un athénée libertaire où s’organisent différentes activités : éducation populaire, conscientisation, formation (par exemple avec la bibliothèque libertaire La Conquête du pain), cours d’autodéfense, ateliers de couture, mais aussi l’accès à des produits de l’agriculture paysanne, cultivés et distribués par un « assentamento [2] » du Mouvement des sans-terre (MST)… en effet de nombreux militantes et militants de la FAG sont aussi investi-e-s dans les luttes rurales et de récupération des terres.
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L’athénée est aussi un espace de coordination des solidarités et des luttes : ici se retrouvent des collectifs, tels que ceux pour la lutte du peuple noir, des collectifs féministes ou encore de soutien à la révolution kurde… là se retrouvent les militants et militantes pour mener des luttes de quartiers, axe d’insertion sociale central pour la FAG, dont les premières luttes ont été notamment d’organiser les « recycleurs et recycleuses [3] » de Porto Alegre.

Par ailleurs la FAG s’investit aussi sur les fronts étudiant et syndical. En effet, ces dernières années, le Brésil a vécu une radicalisation des bases syndicales qui ont mené de nombreuses grèves échappant au contrôle des directions bureaucratiques et parfois mafieuses. Autour de la FAG se retrouvent sympathisant-e-s et militant-e-s des différents fronts de lutte dans une «tendance» appelée Résistance Populaire, véritable outil de la stratégie spécifiste où convergent les luttes des différents secteurs.
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Un effort de convergence qui a permis par le passé de transformer des luttes syndicales en véritables luttes de quartier, comme dans le secteur de l’éducation par exemple. Ces vingt ans de construction de la FAG se sont accompagnés du développement d’autres organisations au niveau national et ont donné naissance à la Coordination Anarchiste Brésilienne (CAB) en 2012. Sur un territoire grand comme seize fois la France, développer le fédéralisme n’est cependant pas une mince affaire. La CAB marque un processus de construction d’une ligne théorique et pratique commune, en renforçant les organisations à la base notamment par l’accompagnement de nouveaux groupes et le soutien mutuel. Une pratique de soutien d’ailleurs courante entre organisations latino-américaines, dans l’optique de développer le courant spécifiste sur le continent.

La stratégie du spécifisme

Le spécifisme est un courant anarchiste propre à l’Amérique du Sud. Développé dans les années 1960 par la FAU, il puise principalement ses origines théoriques dans les écrits de Bakounine et de Malatesta (ce dernier s’étant exilé en Argentine). Deux axes centraux fondent ce courant : l’organisation spécifique des anarchistes et la pratique/l’insertion sociale [4].

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Le premier axe insiste sur la nécessité de s’organiser au niveau politique comme un groupe cohérent, pour pouvoir agir dans le mouvement social avec une expression, une pratique et une éthique libertaire. Le concept d’insertion sociale, quant à lui, renvoie à l’histoire particulière du Brésil qui connut, dans les années 1930, un repli du mouvement anarchiste dans des « cercles culturels et intellectuels », au détriment de l’activité dans le mouvement social et syndical.

Il s’agit donc d’un retour dans la lutte des classes des anarchistes organisé-e-s et non pas ­d’une forme d’entrisme, comme peuvent le pratiquer certaines organisations de la gauche autoritaire.

L’organisation doit être un petit moteur des luttes sociales, afin d’accompagner la création d’un pouvoir populaire : les spécifistes font alors le pari d’un peuple fort plutôt que d’une organisation forte. Le pouvoir populaire se construit depuis la base, à travers ce que les spécifistes appellent le front des classes opprimées, reconnaissant ainsi l’existence de différentes formes d’oppressions, qu’elles soient économique, de genre, de race ou encore en fonction de la catégorie sociale (la paysannerie, les chômeurs et chômeuses, les travailleurs et les travailleuses, etc.). Ceci se traduit par un investissement des militants et militantes par front de lutte avec des revendications propres (exemples : de quartier, étudiante, syndicale, rurale…) où ils et elles participent à l’émergence d’espaces où se construisent les solidarités et les convergences des différents fronts de lutte.

« Peuple dans la rue pour résister et pour lutter, peuple qui avance pour le pouvoir populaire. »

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[1] Ce qui signifie l’organisation spécifique des anarchistes, terme que nous traduisons approximativement par « spécifisme ».

[2] Territoire récupéré par le MST.

[3] Personnes en très grande précarité qui ramassent les déchets recyclables dans la rue pour les revendre.

[4] Pour approfondir la compréhension du courant spécifiste, voir : FARJ, Anarchisme social et organisation, éditions Brasero Social, 2013.

Brésil : Contre la criminalisation de l’avortement, légalisation !

Nous reproduisons ici un article que nous avons publié dans le mensuel Alternative libertaire, au mois de janvier 2016.

Fin 2015, le Brésil a connu un important mouvement féministe suite à une proposition de loi visant à restreindre encore plus le recours à l’avortement et à la contraception d’urgence. Face aux attaques des conservateurs et de leurs Églises, les Brésiliennes ont démontré qu’elles n’entendent pas les laisser décider.

La question de l’avortement au Brésil est depuis très longtemps discutée, tant par les mouvements féministes que par la frange conservatrice du pays. En effet, l’avortement est encore largement perçu par la majorité des brésiliennes et brésiliens comme un crime, ce que confirme le code pénal qui stipule que « toute personne se faisant avorter par ses propres moyens ou autorisant une autre personne à l’aider est susceptible de recevoir une peine de détention de trois ans ». Toutefois, l’avortement au Brésil était jusque-là légal lorsqu’il était pratiqué par un médecin dans les trois situations suivantes : si la grossesse comporte un risque pour la vie de la mère, lorsque la grossesse est le résultat d’un viol et lorsque le fœtus est porteur de l’anencéphalie (absence partielle ou complète du cerveau, du crâne et du cuir chevelu). C’est uniquement dans ces cas que le gouvernement brésilien offre gratuitement ce service via le SUS – système unique de santé.

D’autre part, l’avortement n’est pas criminalisé lorsqu’il est réalisé en dehors du territoire national. Il est aussi possible d’avoir recours à un avortement dans des cliniques privées, mais là aussi pouvoir choisir a un prix : environ cinq salaires minimum. Autant dire que seules les femmes riches peuvent se payer le luxe d’avorter sans risquer leur vie. Un projet de loi (1135) avait bien été proposé en 1991 par deux député-e-s du Parti des travailleurs (PT, le parti au pouvoir) et visait à légaliser l’avortement. Celui-ci n’a pourtant été voté qu’en mai 2008 par la Chambre des députés ! Avant d’être rejeté par la commission de citoyenneté et justice qui s’est prononcée à 57 votes contre et 4 pour.

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La question de la légalisation de l’avortement est depuis passée aux oubliettes… Pourtant, en 2013, ce sont environ 865 000 femmes qui ont eu recours illégalement à l’avortement au Brésil, dans des conditions plus que précaires, dont les conséquences sur leur santé sont irrémédiables. En effet, environ 205 000 d’entre elles ont du se faire hospitaliser du fait de complications postavortement. Pour d’autres c’est la mort : une B­résilienne meurt tous les deux jours suite à un avortement clandestin. D’autre part, la déscolarisation d’une grande partie de la population ainsi que le manque d’information et d’accès aux méthodes contraceptives augmente considérablement le nombre de grossesses non désirées. Ici encore ce sont les femmes les plus pauvres, dont la majorité sont des femmes noires, qui pâtissent de ce manque d’accès à la contraception et doivent donc avoir recours à l’avortement clandestin, en mettant leurs vies en danger pour ne pas avoir des enfants qu’elles n’ont pas les moyens d’élever.

Poussée réactionnaire

Le rôle des Églises et des différents courants religieux présents au Brésil, en particulier les néopentecôtistes n’est pas à négliger. En effet, ceux-ci sont très présents sur l’ensemble du territoire, y compris dans les quartiers populaires et déversent leur nauséabonde propagande antiavortement et antiféministe. L’avortement est ainsi vu principalement comme un débat religieux au sein de la société. Récemment renforcés par les manifestations de l’opposition de droite et conservatrice contre le gouvernement de Dilma Rousseff, lui-même embourbé dans des scandales de corruption et des conflits sociaux, certains députés réactionnaires ont décidé de porter un grand coup à la législation sur l’avortement.

En effet, le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, un évangélique appartenant à une église pentecôtiste, vient de faire passer une loi (5069) qui vise d’une part à limiter l’avortement en cas de viol, notamment en demandant aux femmes de prouver qu’elles ont été violées en portant plainte et en se soumettant à un examen médical, susceptible d’apporter « la preuve » du viol… autant dire qu’il s’agit d’interdire tout bonnement l’avortement en cas de viol, puisque combien de femmes feront cette démarche ? Qu’en est-il des viols conjugaux ? Combien de femmes seront considérées comme effectivement violées par des médecins dont beaucoup sont contre l’avortement ? Selon l’Institut de bioéthique, droits de l’homme et genre, 36 % des femmes qui ont recours à l’avortement légal sont des enfants et des jeunes filles qui ont subi des violences sexuelles, souvent dans leur entourage proche, comme c’est généralement le cas pour les viols.

Comme si cela ne suffisait pas, la loi antiavortement prévoit également de relever les peines concernant le recours et l’aide à l’avortement (entre 4 et 8 ans et pour les professionnel-le-s 5 à 10 ans de prison, peines qui peuvent être augmentées d’un tiers si la femme qui avorte est mineure) ainsi que d’interdire la pilule du lendemain. De quoi les femmes doivent-elles donc se justifier ? D’avoir le droit de décider ? Que leur corps leur appartient ?

Printemps féministe

C’est avec colère et rage que les Brésiliennes sont sorties dans la rue pour protester contre une énième attaque qui leur est faite. En fin d’année dernière, elles ont été des centaines à marcher aux côté des groupes féministes, des associations et organisations du mouvement social, dans les grandes villes telles que Rio de Janeiro, Sao Paulo, Belo Horizonte, ainsi que dans vingt États du pays. Elles demandent la légalisation de l’avortement et que l’on arrête de légiférer sur leur utérus. Qu’elles aient été violées ou non, elles ont le droit de choisir si elles veulent être mères ou pas. Aux cris de « Dehors Cunha », ou de « Legalize ! O corpo é nosso ! É nossa escolha ! É pela vida das mulheres ! », les Brésiliennes ont su démontrer au fil des marches et des actions qu’elles ne se laisseraient pas faire. À tel point que certains journaux n’ont pas hésité à surnommer le mouvement le Printemps féministe. Il faut dire que depuis l’énorme mouvement de 2013 contre la hausse du prix des transports et contre le nettoyage social engendré par la Coupe du monde, le mouvement social brésilien a peiné à retrouver une dynamique digne de ce nom.

Ces manifestations féministes montrent un retour de la combativité, même si les réacs sont durs à cuire… La loi de Cunha est passée, mais le combat féministe ne s’arrête pas là et la résistance s’organise au quotidien, pour que les femmes continuent d’avoir le choix, en prenant le minimum de risques.

Des militantes anarchistes de Rio de Janeiro et de la commission internationale d’AL

Caminando los « 20 años de la FAG »

Los 20, 21 y 22 de noviembre de 2015 la Federação Anarquista Gaúcha celebraba sus 20 años. Fue un evento muy enriquecedor en terminos de encuentros, debates e intercambios. Decidimos difundir algunos materiales producidos en esta ocasión. Abajo reproducimos el discurso de Juan Carlos Mechoso, un militante histórico y miembro fundador  de la Federación Anarquista Uruguaya. A continuación publicaremos otros materiales a medida que los vayamos editando.

Les 20, 21 et 22 novembre 2015 la Federação Anarquista Gaúcha fêtait ses 20 ans. Ce fut un événement très enrichissant en termes de rencontres, débats et d’échanges. Nous avons donc décidé de diffuser certains matériels produits à cette occasion. Ci-dessous nous reproduisons le discours (sous-titré en français) de Juan Carlos Mechoso, un militant historique et membre fondateur de la Federación Anarquista Uruguaya. Nous publierons ensuite d’autres matériels, au fur et à mesure que nous les éditons.

Durante el Acto de los 20 años de la FAG, varixs militantes anarquistas se expresaron para presentar un análisis de la coyuntura nacional e internacional ; también relataron experiencias populares así como aquellas desarrolladas por la corriente anarquista del especifismo. En este video, Juan Carlos Mechoso vuelve sobre la historia social de América Latina y la de la FAG que vio nacer.

A l’occasion de la célébration des 20 ans de la FAG, de nombreux-ses militant-e-s anarchistes sont intervenu-e-s pour porter une analyse de la conjoncture nationale et internationale tout en relatant les expériences populaires ainsi que celles développées par le courant anarchiste issu de l’especifismo. Dans cette vidéo, Juan Carlos Mechoso revient sur l’histoire sociale de l’Amérique Latine et celle de la FAG qu’il a vu naître.

Bonne année et vive les luttes sociales!

Hola!!!

Nous vous souhaitons une bonne année, faite de résistances, de solidarités et surtout de luttes, victorieuses si possible.

Pour notre paSAM_0096rt, on va continuer à publier des articles sur le blog et essayer de faire partager quelques expériences de luttes qu’on a pu croiser ces derniers mois. Mais pour cela, il faut qu’on fasse un gros travail de traduction et de montage, donc en attendant, on vous propose d’aller lire deux articles qui seront publiés dans le journal Alternative Libertaire du mois de janvier 2016. Un sur les 20ans de la Fédération Anarchiste Gaucha (FAG) et l’especifismo, et un autre sur les luttes féministes au Brésil et pour la légalisation de l’avortement, co-rédigé avec une compañera de Rio de Janeiro.

L' »especifismo » vu par la FARJ

Nous partageons ici une interview (traduite au français) de la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro (FARJ), réalisée par Zabalaza Anarchist Communist Front (ZACF) en 2010. Même si elle est un peu datée sur certains éléments elle n’en reste pas moins un document très intéressant concernant le courant anarchiste spécifiste en Amérique du Sud et dans l’état de Rio en particulier.

Interview de la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro (FARJ)

« Dans cette interview [1], réalisée entre août et octobre de 2010, la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro (Federação Anarquista do Rio de Janeiro – FARJ) évoque son interprétation de concepts tels que le spécifisme (especifismo), le dualisme organisationnel, l’insertion sociale et le rôle de l’organisation politique anarchiste par rapport aux mouvements sociaux et à la lutte de classe. Il s’agit aussi de parler de l’entrée récente de la FARJ dans le Forum de l’Anarchisme Organisé (Fórum do Anarquismo Organisado – FAO) et des conséquences sociales du choix de Rio de Janeiro comme une Ville Hôte de la FIFA 2014, aussi bien que des questions quelquefois difficiles, telles que la nécessité de trouver un équilibre entre les niveaux d’unité théorique et stratégique et du besoin de croître comme organisation. La Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro (Federação Anarquista do Rio de Janeiro (FARJ) est une organisation anarchiste spécifique de la ville de Rio de Janeiro, le Brésil.

Fondée le 30 août 2003, la FARJ a ses origines dans le travail de militants tels que Peres Idéal (1925-1995), son père Juan Perez Bouzas (ou João Peres) (1899-1958) et José Oiticica (1882-1957), parmi d’autres. Elle se réfère également à des organisations politiques comme l’Alliance Anarchiste (Aliança Anarquista), fondée en 1918 et le Parti communiste libertaire (Partido Comunista), fondé en 1919 (à ne pas confondre avec le Parti communiste réformiste et électoraliste fondé en 1922). Elle trouve également ses références historiques dans les syndicats sous l’influence des anarchistes au début du vingtième siècle, tels que la Fédération ouvrière de Rio de Janeiro (Federação Operária font Rio de Janeiro – FORJ), fondée en 1906, dans toute la recherche du « vecteur social de l’anarchisme » au cours des années 1940 et 1950 et dans les activités postérieures à la dictature militaire.

Jonathan Payn. — Pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec le concept de dualisme d’organisation, pouvez-vous expliquer s’il vous plaît le besoin de construire une organisation politique anarchiste à Rio de Janeiro ? Par quelle sorte de processus deviez-vous passer pour arriver à cette conclusion et former la FARJ ?

FARJ. —

Le terme « dualisme d’organisation », tel qu’il est utilisé en anglais, sert à expliquer la conception d’organisation que nous promouvons, ou ce que l’on a appelé classiquement la discussion sur « le parti et le mouvement de masse ». Bref, notre tradition spécifique a ses racines dans Bakounine, Malatesta, Dielo Trouda, la Fédération anarchiste uruguayenne (FAU) et d’autres militants ou organisations qui ont défendu cette différentiation entre les niveaux d’organisation. C’est-àdire, un large niveau que nous appelons le « niveau social » et qui est composé des mouvements populaires ; et de ce que nous appelons le « niveau politique », composé des militants anarchistes qui sont groupés autour d’une base politique et idéologique définie.

Ce modèle est basé sur quelques principes : les mouvements populaires ne peuvent pas être confinés à un camp idéologique défini – et, à cet égard, nous nous différencions de l’anarchosyndicalisme, par exemple – parce qu’ils devraient s’organiser autour des besoins (la terre, l’abri, les emplois, etc.) qui groupent de larges secteurs de personnes. C’est cela, le niveau social ou le mouvement de masse, comme on l’a appelé historiquement. Le modèle implique aussi que, pour travailler dans les mouvements, il n’est pas suffisant de s’y dissoudre – ou de s’y insérer – même si on est reconnus comme anarchistes. Il est nécessaire que nous soyons organisés, en constituant une force sociale significative qui facilitera la promotion de notre programme et aussi la défense contre les attaques des adversaires qui ont d’autres programmes. Cependant, il faut garder à l’esprit que nous ne préconisons pas que vous participiez à un ou d’autre niveau ; les anarchistes sont aussi des travailleurs et font partie de ce large groupe que nous appelons les classes exploitées et, donc, ils s’organisent, comme une classe, dans les mouvements sociaux. Quand même, comme ce niveau d’organisation a ses limitations, les anarchistes s’organisent aussi sur le niveau politique, en tant qu’anarchistes, pour articuler leur travail et idées.

Ce qu’on appelle l’organisation anarchiste spécifique n’est rien de nouveau dans le mouvement anarchiste. Ses origines sont dans le militantisme de Bakounine lui-même, dans la Première internationale, avec la formation de l’Alliance de la Démocratie Socialiste en 1868. Malatesta, développant la thèse de Bakounine sur la minorité active, a pensé aussi à quelque chose de semblable. Comme, de la même façon, ont fait les Russes exilés de Dielo Trouda et de la FAU, parmi tant d’autres. Ce groupement spécifique de révolutionnaires anti(autoritaires est fondé sur les positions communes concernant l’horizon (les objectifs), les stratégies et la tactique. C’est-à-dire, l’organisation anarchiste spécifique n’est pas une « invention » récente, elle a sa trajectoire dans la consolidation de l’anarchisme lui-même comme outil révolutionnaire, dans la trace des actions de Bakounine.

Dans le développement historique du mouvement anarchiste, cette position a été négligée dans certains pays au détriment d’une position qui a dit que le « syndicalisme » (cette accumulation de mouvements sociaux) était suffisant. Pas pour nous. Nous croyons que le devoir de l’organisation anarchiste spécifique, ce que Malatesta a appelé le « parti » anarchiste, est d’articuler la force des anarchistes autour d’une proposition commune et de stimuler les mouvements sociaux pour qu’ils avancent de plus en plus au-delà de leurs demandes, étant capables de construire la base d’une transformation révolutionnaire.

Il est important d’insister sur le fait que le dualisme d’organisation ne présuppose pas de relation de subordination ou de hiérarchie entre les deux cas mentionnés. Du point de vue de l’anarchisme, l’organisation spécifique et les mouvements sociaux sont complémentaires. La relation de l’organisation anarchiste spécifique présuppose des relations éthiques et horizontales, qui impliquent de ne pas avoir de relations de hiérarchie ou de domination sur les instances qui participent.

À Rio de Janeiro, les anarchistes organisés ont essayé deux fois de créer des organisations anarchistes spécifiques ; mais la répression a retardé leur projet. Ces camarades ont senti intuitivement que le reflux du syndicalisme révolutionnaire pouvait condamner aussi l’anarchisme lui-même. Et c’est exactement ce qui est arrivé. Le syndicalisme n’était pas « suffisant » et avec le reflux du syndicalisme révolutionnaire, l’anarchisme est entré en crise, dès les années 30. Dans les décades de 1940 et de 1950, les camarades de Rio de Janeiro (et aussi de Sao Paulo) ont fondé leurs organisations spécifiques, mais ont été complètement isolés des mouvements sociaux, et ils se sont organisés pour inverser ce processus. Dans la décade de 1960, le coup d’État militaire et la situation du mouvement anarchiste avaient retardé le projet d’une organisation anarchiste spécifique à Rio de Janeiro. Le mouvement ayant été complètement fracassé par les années de la dictature, les décades de 1980 et 90 furent des décades de rassemblement de vieux et de nouveaux militants, fait principalement par le travail infatigable et la patience de Ideal Peres. Le moment était venu non seulement de reprendre de vieux débats, mais aussi les importantes expériences de lutte que les anarchistes avaient entreprises, même s’ils n’étaient pas nécessairement regroupés autour d’une stratégie commune (les occupations, les groupes d’éducation populaires, la présence dans les syndicats, etc.,).

Au début de 2001 nous avons compris que le moment était venu de faire un saut qualitatif, de quitter le modèle des « centres culturels » autour desquels nous nous étions organisés depuis les années 1980, et de former une organisation politique plus adéquate pour le travail avec les mouvements sociaux. Cela devenait de plus en plus évident ; c’était la voie que nous devrions suivre. Nous avions une expérience avec le travail social et, avec la décision que l’anarchisme devait fonctionner pour pousser des luttes populaires, il est devenu évident que nous devions chercher quelque chose de plus organisé, avec plus de cohésion, au moins, un instrument qui nous permettrait d’approfondir notre travail dans la voie qui s’était avérée nécessaire.

C’était alors que différents militants du mouvement anarchiste de Rio de Janeiro se sont réunis avec l’intention de discuter la proposition de fonder une organisation. Ils avaient déjà une certaine expérience dans le militantisme social, mais n’avaient pas discuté de ce que le modèle organisationnel devait être. Un des groupes s’est retiré du processus et a résolu d’avoir leurs propres discussions séparément. Plus tard ils ont fondé la Fédération Anarchiste insurrectionaliste, qu’ils ont appelée plus tard UNIPA (l’Union Populaire Anarchiste – União Popular Anarquista). Le groupe qui est resté et qui a continué les discussions a constitué la FARJ en 2003. Il est important de souligner que la le FARJ était la conséquence d’un processus qui avait duré au moins dix ans, avec la présence d’anarchistes dans les mouvements sociaux divers dans l’État de Rio de Janeiro. »

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