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Le territoire comme espace de luttes des classes

Nous reproduisons ici un article traduit du journal « Voluntad », publié par la Fédération Anarchiste de Rosario au mois de décembre 2015.
L’article explique en quoi la lutte territoriale est un élément essentiel de la lutte des classe ainsi qu’un lieu de résistances et d’expérimentations autogestionnaires pour les classes populaires en lutte.
Vous trouverez la version espagnole en dessous.
Arriba lxs que luchan!! (en los barrios)

Le territoire comme espace de lutte des classes

Nous, Fédération Anarchiste de Rosario, croyons en l’importance d’impulser le développement de luttes territoriales. Partant du principe que le territoire est un espace où se consolident les relations sociales, et où pour autant, émerge la lutte des classes.
Ainsi, nous voyons que les relations qui y prédominent sont des relations de domination mais génèrent aussi des processus de résistance qui s’articulent sur le territoire, avec donc une volonté de lutter contre la domination.

Nous croyons, en tant qu’anarchistes, que nous devons impulser et renforcer les résistances qui se soulèvent depuis les quartiers.
A l’intérieur de ces luttes existe un ample éventail de pratiques qui peuvent être par exemple :
Les (re)prises de terres, la création de coopératives de travail, les associations de quartier, les mouvements d’urbanisation et de rénovation des quartiers pauvres, les mouvements qui luttent pour le logement, les activités communautaires diverses, les jardins, etc.

Une des formes de résistance qui a généré en partie la lutte des opprimé-e-s dans les territoires est principalement la lutte piquetera. Cette modalité de lutte présente un répertoire de pratiques qui ont beaucoup de proximité avec celles des libertaires, qui s’exprime à travers la démocratie directe, comme le sont les assemblées et les différents espaces délibératifs qui se construisent de manière non-hiérarchique, l’autogestion qui se met en place dans le développement de coopératives de production et surtout les actions directes comme les blocages de rues et de routes, ces mécanismes de lutte plus habituels.

A titre d’analyse, à propos de la lutte socio-territoriale piquetera, nous pouvons dire qu’avec l’avènement du kirchnerisme est venue une politique de cooptation et de fragmentation des mouvements sociaux et en même temps, depuis les secteurs du pouvoir, s’est amorcé un discours de délégitimisation des pratiques piquetera. Ainsi se sont mis en palce des aspects qui ont affaiblit la force sociale des mouvements piqueteros qu’ils avaient pu avoir dans le moment fort des luttes sociales du pays.
Certains d’entre eux sont : le joug étatique comme forme de domination à travers les programmes sociaux, la création d’un imaginaire social où se délégitime la pratique piquetera et l’institutionnalisation croissante d’organisations abandonnant progressivement la pratique d’action directe.

Nous voulons insister sur ce dernier point, étant donné que nous assistons à un virage massif des organisations sociales vers la voie électorale. Nous pouvons dire que cela trouve son origine dans le manque de vision à moyen terme, ce qui génère une abîme entre le social et le politique, entre le micro et le macro, entre les pratiques quotidiennes de résistance et la révolution sociale. Ainsi, l’institution jadis questionnée, a fait un ravalement de façade en réapparaissant comme la forme adéquate pour pouvoir franchir le pas, en opposition aux limites que présentaient les organisations piqueteras.

Néanmoins, comme anarchistes, nous continuons à croire et à impulser ce travail ainsi que le renforcement d’organisations socio-territoriales qui pourront, moyennant l’action directe et la construction de pouvoirs populaires autogérés, donner lieu à quelques confrontations tout au long de l’année.

Ainsi, dans les environs de Rosario et du grand Rosario, cette présence a été visible dans différentes luttes :
Depuis les quartiers est apparue clairement la lutte pour le territoire, dans la récupération d’espaces publics pour en faire des jardins communautaires avec la revendication que « la terre est à celles et ceux qui la travaille » et « moins de bunkers, plus de jardins ». Ce dernier slogan fait allusion aux affrontements que mènent les organisations territoriales contre le secteur du narcotrafic. En ce sens, elles ont exprimé tout au long de l’année des messages de solidarité avec les organisations sociales qui ont souffert d’agressions de la part des narcos.
Des « bunkers » ont aussi été détruits dans les quartiers les plus pauvres de notre ville en signe de rejet des narcos et comme stratégie de résistance autogestionnaire de ces mêmes intéressé-e-s.

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[ci-contre : Mobilisation de la Fédération des Organisations de Base, organisation de chomeuses et chomeurs des quartiers populaires, devant la mairie de Rosario, décembre 2015]

De plus, il existe toute une série d’activités communautaires qui se tiennent pendant toute l’année, dans différents quartiers de la ville, comme le sont les espaces éducatifs libertaires et les distributions de verres de lait et de goûters, comme on a pu le voir dans différentes fêtes quartiers pour le jour des enfants, organisées de manière autogérée par les voisin-e-s.
Ces activités visibilisent la résistance dans les quartiers et le pouvoir des habitant-e-s de s’organiser sans avoir besoin d’avant-garde, de partis politiques, de représentants de l’état ou d’autres types d’institutions reproductrices de la domination.

D’autre part, sous l’impulsion de différentes constructions territoriales se sont consolidées des mécanismes de solidarité en cas de meurtres ou de disparations forcées de personnes par l’appareil répressif de l’état, comme ce fut le cas très connu à Rosario de Gerardo « Pichón » Escobar. Le fruit de cette mobilisation et de cette lutte a été que le jour suivant ont été interpellées cinq personnes soupçonnées d’être impliquées dans la disparition et l’assassinat de Gerardo, des personnes qui appartenaient à la police et à une entreprise de sécurité.

C’est aussi depuis les quartiers que se revendiquent de meilleures infrastructures, que ce soit contre les inondations, contre les coupures d’électricité ou de gaz. Ces revendications se manifestent alors par différentes formes d’action directe comme par exemple : les blocages de rues dans les quartiers, les mobilisations devant les entreprises de service ou devant les institutions étatiques.

De même, il y a eu une forte présence et un rôle important des organisations sociales dans la mobilisation massive réalisée le 3 juin (2015) dans tout le pays, face au nombre croissant de féminicides.

Avec des chansons et des interventions artistiques, les femmes ont imposé le slogan « Ni una menos, ni por feminidio, ni por aborto clandestino » pouvant mettre en évidence les autres formes de violence machiste qui laissent un nombre important de femmes mortes années après années. La mobilisation du 3 juin a donné de la force a beaucoup d’entre elles, en leur permettant d’identifier leurs situations particulières comme expression d’un système de domination patriarcale, ce qui se reflète concrètement par une augmentation des dénonciations pour violence, une meilleure visibilisation de la lutte contre les féminicides et une participation massive à la rencontre nationale des femmes à Mar de Plata où sont arrivées à se réunir 65000 personnes.

C’est pour cela que nous continuerons à parier sur notre stratégie de construire dans les territoires des pouvoirs populaires autogérés, construction qui seront seulement possibles à travers l’émancipation des résistances qui sont dans les quartiers.
Cela implique un travail de base constant, soutenu dans le temps, avec la volonté de générer des organisations dans lesquelles les concerné-e-s eux-mêmes consolident leur participation en se
réappropriant la capacité de décider et de faire.

Nous entendons que par là, nous pourrons donner naissance à des pratiques qui
préfigureront une autre société, une société libertaire.

La version en espagnol ici :

Páginas-desdeVoluntad-nº-1-Definitivo-diciembre-2015